À notre Juliette
Octobre.
Un parc boisé tout autour des pavillons.
De l’air pour ne pas étouffer et te sortir un peu de cet enfermement imposé.
Ton père s’éloigne et tu te retournes vers moi :
« Et toi? Tu vas comment? Tu tiens le coup? »
À ces mots susurrés entre deux sanglots d’angoisse qui déforment ton si joli visage, je réponds que oui, c’est difficile mais je tiens le coup, même si au fond, plus le temps passe et moins je supporte de lire la souffrance et la solitude dans les yeux des autres.
Mais ce n’est ni l’endroit, ni le moments d’entrer dans les détails des méandres de ma vie professionnelle.
Je me mords la joue pour ne pas pleurer moi-même, pour refréner l’envie de te prendre dans mes bras et t’emmener loin d’ici.
Le déchirement de te savoir combattant chaque minute et sans arme ces ennemis de l’ombre qui envahissent ton esprit est indescriptible.
Si tu réussi maintenant à identifier ce qui t’a potentiellement mené vers ce chaos, tes études semblent avoir été un facteur important.
Et je sais…
Je connais la difficulté que représente le fait de tout garder, de tout mesurer : réactions comme émotions pour accéder un jour au droit d’exercer.
À vingt ans, on doit vivre intensément, pas lutter contre soi-même à chaque instant pour essayer de maitriser quelque chose qui souvent nous dépasse.
Ces études nous défont, pour mieux nous remodeler, nous font prendre la forme la plus souple possible pour rentrer dans le moule du parfait futur exécutant (soignant).
Et elles ne sont pas justes, dans le sens où, au delà de la théorie et de la pratique, nous partons chacun avec un degré différent de tolérance face aux nombreuses formes de détresse.
Ça peut être violent et ça, rien ni personne ne nous y prépare.
Mais tu sais, s’il y a une chose dont je suis certaine, du haut de mon pas grand chose d’expérience et de réflexion c’est que contrairement à ce que l’on peut entendre il ne faut pas à tout prix être fort et exempt de toute sensibilité pour exercer sereinement, se blinder et ne rien laisser paraitre, non… Bien au contraire.
Sensibilité n’est pas faiblesse.
Beaucoup font semblant de ne pas être touchés par des situations compliquées, donnent le change même si au fond ça leur est insupportable. Ça ne dure qu’un temps.
Alors n’écoute pas ceux qui te parleront de fragilité, pense à la force que tu as eu d’affronter cette épreuve, pense qu’ils ne l’auraient probablement pas eu à ta place.
Pense à la force dont tu fais preuve pour faire face au chagrin de certains matins.
Pense à la volonté incroyable que tu as pour t’en sortir, vite et la tête haute.
Le temps se chargera de pas mal de choses accessoires alors surtout va à l’essentiel, pense à toi et rien qu’à toi.
Le reste viendra.
Et nous sommes là, avec toi.