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Une infirmière ordinaire
Une infirmière ordinaire
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De l'inhumanité d'un système.

De l'inhumanité d'un système.




Il faudra du renfort.


Il est 21h, les portes de l'ambulance sont ouvertes sur la rue, il doit rentrer chez lui, il n'a rien à faire à l'hôpital. Son état physique ne relève pas de l'urgence.
Il tremble, il a froid peut être ou surement faim, sanglé là, dans un brancard trop petit et à peine couvert.
"On ne nous avait pas prévenu, le poids, les escaliers..."

Il faudra du renfort.

"Je suis trop gros, c'est pour ça... Qu'est ce que je vais devenir? "
Son visage se crispe... Il grimace, pleure, sans larme : désenchanté, déshumanisé.


La solitude, la vraie, celle qui ne laisse pas le choix, a socialement pour conséquence de réduire, quoi qu'on n'en dise l'attention qui est portée à la personne qui la subit.
Il n'y aura eu personne pour se poser les questions de ce retour, personne pour insister où se pencher sérieusement sur ces conditions terribles d'isolement et de souffrance que représente un maintien à domicile qui devient par la force des événements chaotique et inadapté.


Personne, ce n'est le problème de personne.


Il y aura bien eu les infirmières libérales, celles qui viennent deux fois par jours essayer d'aider, en plus de soigner, appeler à droite et à gauche afin de trouver des solutions pour au minimum un peu de confort. Le médecin traitant entre deux patients. Mais sans succès.
Alors à 21h, l'une d'elles sera là malgré tout,, parceque si personne n'a pensé à l'appeler, elle aura quand même décroché son téléphone pour prendre des nouvelles.
Elle aidera l'équipe d'ambulanciers et s'assurera que tout est prêt pour que son patient passe la nuit la plus confortable possible en sécurité.
Par simple conscience professionnelle et soucis d'humanité.


Cette infirmière c'était moi ce soir là mais ce sont aussi tous mes collègues, jours après jours, confrontés à des détresses quotidiennes de plus en plus criantes, agissant comme ils peuvent et surtout avec de moins en moins de moyens.


Nous sommes des professionnels de santé : de ceux qui sont sur le terrain, qui prennent les problèmes à bras le corps au propre comme au figuré, quelque soit le poids des situations.
Nous faisons ce que nous pouvons et ne pouvons aujourd'hui que constater les carences d'un système sanitaire et social à la dérive qui génère des inégalités de plus en plus importantes et trahissant l'humanité d'une société qui se prétend pourtant juste et solidaire.


L'homme se retrouve exclu d'un système dont il est pourtant, par la force des choses, au centre.
Parce que si c'est bien l'humanité que l'on soigne c'est la rentabilité qui dirige et décide.
Et c'est ce paradoxe, cette absurdité qui est insupportable.


En ville comme à l'hôpital.


De l'inhumanité d'un système.

De l'inhumanité d'un système.