J'arrive en retard au travail, de vingt minutes.
Mes collègues ont eu la gentillesse et la patience de m'attendre pour faire les transmissions et passer le relais pour la nuit.
Puis vient la surveillance de début de soirée, les soins... tout s'enchaîne.
Il fait nuit noire. C'est la panique. Combien? combien étaient-ils?
Il y en a un là bas me dit-on.
Les patients sont plutôt calmes, ont cédés pour la plupart à l'appel des bras de Morphée. Certains d'entre eux restent angoissés, agités. Nous les aidons, les rassurons. Les heures passent.
Il respire.
Les minutes sont longues, si longues.
En arpentant les couloirs des questions m'assaillent, des images aussi. Une surtout. Je les chasses d'un revers de pensée. Je me concentre sur la préparation de cette injection qui va soulager celui dont la douleur s'est réveillée. Il y a ce qu'il faut ici, j'ai ce qu'il faut entre les mains.
Même pour cette perfusion arrachée, j'ai ce qu'il faut pour nettoyer, reposer... j'ai ce qu'il faut pour soigner.
Il respire.
Mais il ne fait plus qu'un avec cet amas de taule froissée maculée de sang, d'herbe et de terre.
Les sirènes raisonnent au loin...
Mes mains sont vides, tremblantes.
La nuit se termine. Je passe à mon tour le relais. Tout va bien. Tous ces patients que nous avions entre nos mains vont bien.
Les secours sont arrivés.
Hier soir j'étais en retard au travail. De vingt minutes.
Hier soir il y a
eu cet accident.
Il respirait encore.
Je n'ai rien pu faire...