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Une infirmière ordinaire
Une infirmière ordinaire
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Pour un peu de respect

Pour un peu de respect

A vous tous, et aux collègues infirmiers qui ne connaissez pas vraiment la profession dans son versant libéral, à vous qui avez une vision approximative, biaisée, noircie par les articles qui incriminent certains d'entre nous (oserais-je le dire une minorité, celle qui fraude les caisses) mais qui par la même occasion jette l'opprobre sur l'ensemble des infirmiers libéraux.
Je voudrais vous présenter la vision que j'ai de mon exercice, à la lumière de plusieurs années d'expérience.
Voyons le côté administratif d'abord, pour en apprécier le poids.
S'installer à son compte, pour travailler à domicile, c'est d'abord justifier d'une pratique institutionnelle, se conventionner, accepter de se soumettre à une nomenclature complexe et souvent inadaptée à la réalité à laquelle nous sommes confrontés au quotidien. J'invite ceux d'entre vous qui ne la connaisse pas à s' y pencher et essayer d'imaginer ce que cela peut donner sur le terrain.
Nous sommes "invités" à nous équiper, nous informatiser, acquérir un logiciel de télétransmission, nous acquitter de sa maintenance au fil des mois, pour ainsi facturer les actes, les justifier. Un travail de secrétariat non négligeable qu'il faut rajouter au temps que l'on passe auprès des patients.
Il nous faut une base de consommables à fournir pour les soins courant, un local pour recevoir les patients qui peuvent se déplacer, de quoi éliminer les déchets infectieux qui ne vont pas dans le circuit habituel
Un véhicule correctement entretenu et un minimum confortable vu le temps qu'on passe dedans. Un téléphone mobile avec le forfait qui va bien.
Une assurance professionnelle et une prévoyance correcte si l'on veut pouvoir prétendre à s'arrêter quand on a un problème de santé qui nous empêcherait de prendre la route. S'arrêter et être indemnisé bien sur.
Tout cela a un coût, ça rentre dans les charges à déduire des honoraires que l'on gagne, bruts, sans congés payés, en plus des cotisations diverses et variées ( URSSAF, CARPIMKO, AGA...).
Maintenant, être infirmier hors cadre institutionnel, c'est être indépendant?
Une indépendance bien relative alors, nous sommes conventionnés et surtout, si nous ne voulons pas travailler sept jours sur sept, toute l'année, il faut s'organiser, s'associer, trouver des personnes pour nous remplacer en cas de pépins de santé. Il y a de quoi parfois se "crêper le chignon" alors mieux vaut bien s'entourer. Les collègues sont précieux, nous faisons mine de rien un vrai travail d'équipe avec les avantages et les concessions qui vont avec.
Travailler à domicile, c'est être dépendant des ordonnances médicales, aucun soin ne se fait sur la base de notre rôle propre, non. Les ordonnances doivent être complètes, rédigées correctement, c'est à dire préciser exactement ce que l'on fera chez le patient. Ça peut paraitre simple, en théorie... mais en pratique ça donne quoi? des coups de téléphones, des médecins qui heureusement sont coopérants pour la plupart mais qui parfois le sont moins (parce que mal informés peut être?) qui au mieux râlent, au pire refusent de rédiger une autre ordonnance que l'initiale que la caisse refusera de toute façon. Donc, on use de la salive, on cours, on perds de l'énergie pour un bout de papier. Ordonnances compliquées en plus d'une nomenclature inadaptée pour certains soins, je vous laisse imaginer ce que ça donne en pratique et les erreurs que ça peut engendrer.
Parce que oui, ça arrive de faire des erreurs. Parfois même, on ne sait pas, on demande aux intéressés et non ce n'est toujours pas correct au niveau cotation... Donc il arrive de recevoir des indus, de se battre quand ils sont injustifiés ( ça arrive aussi ) mais toujours de les régler.
Oui, les chiffres que l'on donne en incriminant les infirmiers libéraux c'est ça aussi, des indus qui sont en majeure partie dus à des erreurs ou des incompréhensions. Nous avons face à nous le personnel des caisses qui ne connait ni le métier ni le terrain. Alors il faut se justifier, argumenter... et les indus retenus nous les payons.
La fraude c'est autre chose. Et nous le savons tous.
Alors voilà... Lire et entendre des propos désagréables (le mot est faible parfois) à l'encontre des infirmiers libéraux à cause de chiffres publiés régulièrement dans la presse, ça me révolte quelque part. Parce que la grande majorité d'entre nous, faisons notre métier honnêtement et avec dévouement. Sans compter nos heures.
Parce que pour travailler au domicile du patient il faut être dévoué, comme à l'hôpital bien sur mais il faut aussi aimer et pouvoir travailler sans filet. Savoir gérer toutes les situations, même les plus terribles, seul, en attendant le renfort (s'il arrive). Le domicile c'est loin d'être seulement des soins d'hygiène, nous sommes amenés à rencontrer toute sorte de soins techniques qu'il faut maitriser, comme en service... mais à la maison, sans le matériel à disposition si il manque, parfois dans des condition d'hygiène plus que déplorables, des logements précaires etc...etc...
Personnellement, j'aime mon travail malgré toutes ses difficultés et je sais que je ne suis pas la seule, on ne peut pas faire du libéral longtemps si l'on n'aime pas ce contact particulier avec le patient dans son environnement. C'est un enrichissement professionnel extraordinaire.
Et pour finir, histoire de casser une idée reçue et bien reçue, non, nous ne faisons pas ça pour gagner plus, parce que si l'on ramène ce que l'on touche, après avoir enlevé toutes les charges, aux nombres d'heures que l'on effectue, nous serions mieux payés en étant salariés, c'est un fait.


Alors à vous toutes et tous et par dessus tout à mes chers collègues infirmiers, si vous avez eu le courage de me lire jusqu'au bout j'ai envie de dire: restons unis, pour les bonnes causes, celles qui nous sont essentielles et défendons notre profession dans son ensemble, tous secteurs confondus.

Pour un peu de respect